ARGENT, POUVOIR & NUCLÉAIRE

 

 

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La catastrophe est-elle inéluctable ?

Le dangereux jeu d’équilibre du nucléaire français

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par Michel Lablanquie

 

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On nous l’avait assuré au tout début du programme électronucléaire en France : le nucléaire est sûr à 100 % (on était même tenté de dire à 110 %)...

 

Aujourd’hui, les mêmes « décideurs » (entendez qui décident pour nous), ne se hasardent plus à nous promettre qu’il n’y aura pas d’accidents.

 

Il faut dire que le principe de réalité a vite démenti les prévisions les plus optimistes. Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011 ont montré qu’un « accident majeur » était non seulement possible (1), mais qu’il fallait compter avec. Alors il faut bien s’arranger un peu avec les probabilités.

 

Pour ce qui est de la sûreté – à 100 % –, l’ASN veille au grain. Mais le « gendarme » est aussi celui qu’on veut berner. Après avoir découvert qu’Areva avait dissimulé les excès en carbone de la cuve de l’EPR, de nouveaux contrôles ont révélé d’autres cachotteries : falsifications, fraudes, notamment concernant les générateurs de vapeur. Une vingtaine de réacteurs doivent ainsi être arrêtés pour des contrôles poussés.

 

Bien que théoriquement « indépendante », de fortes pressions s’exercent sur l’ASN. Face à la menace d’arrêt de ces réacteurs, Ségolène Royal, ministre de l’Énergie, écrivait le 10 octobre dernier au PDG d’EDF « La sécurité d’approvisionnement du territoire français en électricité doit être assurée » pour un peu elle aurait ajouté « et peu importe la sûreté ». Il est avant tout important d’économiser les importations à prix fort cet hiver, vu la santé déjà précaire du secteur.

 

Dans le même temps, deux inspecteurs de cette même ASN, chargés du contrôle des conditions de travail et de la sûreté sur le chantier de l’EPR, « ont subi pressions et menaces de leur direction, au profit d’EDF. Et au mépris de la sécurité. » (2)

 

Fin 2016, l’ASN donne son accord pour redémarrer malgré tout trois de ces réacteurs. L’Observatoire du nucléaire dépose aussitôt un recours auprès de Conseil d’État (3).

 

Et demain ? La cuve de l’EPR sera-t-elle jugée « conforme » malgré ses défauts avérés – quand le critère de sécurité ne doit en admettre aucun ? Là aussi les intérêts politico-économiques sont énormes. Refuser la cuve pour non conformité reviendrait à repousser la mise en service de l’EPR, voire à provoquer l’arrêt définitif du projet – avec pour dégâts collatéraux les indemnités que ne manqueront pas de réclamer les Chinois.

 

« Exclue de l’indice CAC 40 en décembre 2015, l’action EDF a encore perdu 31 % de sa valeur en un an. Mais le pire est à venir, car la valeur des centrales aurait été surévaluée, le prix de l’électricité ayant diminué en Europe, il sera un jour nécessaire à EDF de passer de lourdes provisions pour réviser cette valeur à la baisse… En 2015, les résultats d’EDF furent de 75 milliards d’euros de CA, pour 37,5 milliards d’euros de dette, et 140 milliards d’euros de perdus en valeur de marché (- 85 % par rapport à 2007). » (4)

 

Dans ce jeu, l’équilibre financier est depuis longtemps rompu. On comprend que pour ceux qui veillent à nos intérêts, il faille limiter avant tout les dégâts « économiques »... jusqu’à la catastrophe (voir l’article de la Criirad et le dossier Ethos, Atomes crochus n° 5, p. 22-24).

 

Le vrai coût, le seul qui doit nous importer, c’est celui que payent les habitants des zones à jamais contaminées par la radioactivité. Et le prix de notre santé face à la probabilité croissante d’être soi-même contaminé à travers les aliments, l’eau ou le vent. (5)

 

            Michel Lablanquie

 

 

1 - « Un accident majeur, comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima, ne peut être exclu nulle part dans le monde, y compris en Europe. », Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, Le Monde, 22 avril 2016

 

2 - « Enquête à Flamanville, l’Autorité de sûreté nucléaire est dans la main d’EDF », Pascale Pascariello, Médiapart, 18 octobre 2016 : https://www.mediapart.fr/journal/france/181016/flamanville-l-autorite-de-surete-nucleaire-est-dans-la-main-d-edf

 

3 - Communiqué du 22 décembre :
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article323

 

4 - Jean-Luc Pasquinet, La faillite du nucléaire français : http://journeesdetudes.org/atomescrochus/AC5/la-faillite-du-nucleaire-francais.html

 

5 - Voir le communiqué de la Criirad à propos des rejets radioactifs de la centrale de Golfech, le 1° décembre 2016 : http://www.criirad.org/installations-nucl/golfech/CP-CRIIRAD-2016-12-01-Golfech-rejetsradioactifs.pdf

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